Réminiscences. Episode 4.

Publié le par Cyril Poujoulat

Celui-ci fit un bruit sourd en heurtant le sol. L’homme s’agenouilla et entreprit de libérer le contenu de la bâche.

Le corps humain que contenait celle-ci apparu, blanc, souillé de sang et de terre, privé de ses mains…Une plaie béante sur le bas ventre…Une jeune femme…Ou plutôt ce qu’il en restait…

L’homme la contempla quelques instants. Il se délectait de son œuvre. Ces quelques instants d’observation passés, il s’affaira dessus afin que la posture finale soit parfaite.

Il la laissa ainsi. Dans une attitude suppliante. A genoux, le visage contre le sol. Entièrement nue, les mains repliées sous son corps.

L’eau de pluie et la fraîcheur ambiante accentuaient encore un peu plus le caractère translucide et la pâleur de sa peau.

Il remonta dans la camionnette, remit le contact et s’engagea lentement sur le chemin de terre tout en imaginant sa prochaine cible.

Il était fier…Sa technique s’améliorait…Il venait de tuer pour la sixième fois…Il se sentait fort, invincible…Personne ne pourrait l’arrêter. Il montrerait aux yeux du monde ce dont il était capable…

 

                                                                             10

 

                                                  Mardi…

                                                  Yann kérouec et Claire Samson avaient passé leur lundi après midi à faire le tour du « 36 », et surtout, du service où œuvraient Kérouec et son équipe.

D’abord réticent, celui ci s’était radoucit. L’aplomb et les qualités de Claire lui avaient plu.

Remplacer Poulard n’était pas envisageable… Mais au moins, elle avait l’air dégourdie.

Claire Samson avait trente deux ans, et déjà huit années de police criminelle derrière elle, avec un diplôme universitaire de criminologie. Elément non négligeable, elle possédait une  formation de « profiler » qu’elle avait suivie aux Etats Unis deux ans plus tôt grâce à un partenariat avec le siège du FBI à Quantico.

Sa condition physique était excellente. Sportive au niveau national, elle avait longtemps alterné la pratique de la natation et son métier de flic. Aujourd’hui, ayant dépassé la trentaine, elle avait mis sa carrière sportive en suspend au profit de sa carrière professionnelle.

Bien qu’ayant une plastique très au dessus de la moyenne, elle ne s’était pas mariée. Elle n’avait jamais eu envie de franchir le pas…Du coup, les quelques hommes de sa vie étaient passés s’en vraiment s’arrêter…

                                                   Ce matin là, Kérouec lui avait donné rendez vous à 7h30 au « 36 ». Il était 7h20 lorsque celui-ci pénétra dans l’enceinte du bâtiment. Les allées et les escaliers étaient encore relativement calmes. Kérouec ne mit que quelques minutes pour gagner son bureau. C’est alors qu’il la vit en prenant le couloir, adossée à la machine à café.

Son regard se posa sur sa montre.

-« Je suis en retard ??? », lui demanda t il en souriant.

-« Presque ! », lui répondit-elle avec le même sourire.

-« Mais ne vous inquiétez pas Yann !...Je vous ai pris un café bien serré, sans sucre ! », rajouta t elle en lui tendant le gobelet encore fumant.

-« Merci Claire ».

Ils se dirigèrent ensuite vers le fax du bureau.

Le premier rapport d’autopsie était arrivé.

Kérouec et Claire Samson s’installèrent près du bureau et épluchèrent consciencieusement les différents volets du rapport de l’Institut médico légale.

-« Bon ! Ce ne sont que les premières infos Claire !...On devrait avoir des éléments plus probants d’ici quarante huit heure, mais cela devrait nous aider à démarrer. », lui dit il…

-« Yann !...Vous étiez présent je crois lorsque l’on a découvert le corps, n’est ce pas ?...Qu’en pensez vous ?...Que pensez vous de la scène de crime ? ».

-« Effectivement Claire…J’étais là !...Mais il n’y a pas grand-chose à dire si ce n’est que la pluie rendait celle ci difficile à étudier…. Quant à mes intuitions, je préfère les garder pour moi dans l’immédiat si ça ne vous embête pas… ».

-« Alors…. Voyons ce rapport… Je vous en lis les conclusions…», ajouta t il.

-« Cette jeune femme était âgée d’environ vingt cinq ans, race blanche, un tatouage monochrome de papillon sur la cheville droite… Pas d’autre signe distinctif apparent… Les mains ont été sectionnées avec un outil relativement tranchant mais non déterminé. L’hémorragie qui en a résulté à été jugulée en cautérisant les plaies. La mort est survenue secondairement suite à la plaie abdominale.

Celle-ci s’étend du vagin pour remonter jusqu’au nombril. Il semble certain que l’intégralité des mutilations ont été faites alors que cette pauvre fille était vivante… Putain !!...Encore un véritable malade !!...

Les prélèvements vaginaux n’ont rien ramené. Elle a cependant été forcée…. Ce salopard devait avoir une capote !!...Résultat : pas d’ADN !!...Fais chier !.

La position lorsqu’on l’a découverte était à genoux, les bras dissimulés sous le corps, le visage contre le sol… Elle était nue…L’étude du corps et des premiers prélèvements réalisés dessus, démontrent qu’elle est morte environ trente six heure avant qu’on ne la découvre…Et, ce qui confirme mes premières observations, c’est qu’il est clairement établi qu’elle n’a pas été tuée sur place. Le corps a été transporté. ».

-« Le reste, Claire, n’est pas très intéressant !, c’est le blabla habituel du légiste… ».

Un silence pesant envahit l’espace de quelques secondes le bureau où Kérouec et Claire s’étaient installés.

Celle-ci le rompit tout en essayant de rassembler les données que lui avait apporté Kérouec, et en mobilisant ce qu’elle avait appris en Virginie lors de son stage à Quantico.

-« Yann !... Celui qui a fait ça n’en est pas à son premier coup d’essai. Il y a une certaine maîtrise dans tout ça. Je pencherai pour un homme…De manière certaine… Il est d’âge mûr, de race blanche, intelligent, socialement intégré, peut être est il dans le corps médical ou paramédical ?. Il a probablement souffert dans l’enfance. La position qu’il a imposé au corps indique une volonté d’humilier… Il est déterminé, il veut faire souffrir, il veut dominer. Il a du être dominé lui-même dans l’enfance. Peut être par un parent ou un adulte extérieur au cercle familial. Pourquoi les mains ?, ça !, je ne sais pas dans l’immédiat. Peut être pour rendre ses victimes impuissantes ?. Peut être que l’on en saurait plus en voyant les siennes ?...Je ne sais pas…

Ce qui est certain Yann, c’est qu’il a déjà tué. Je pense qu’il faut rechercher des antécédents dans les fichiers de la « Crim’ ». Peut être aura-t-on de la chance ?

Dernière chose Yann…Il va recommencer…J’en suis certaine…Il aime ce qu’il fait…

Y avait-il des témoins sur la scène de crime ? ».

-« Hummm…Non Claire, si ce n’est le promeneur qui la découvert… ».

-« Bon !...S’il frappe à nouveau, il faudra inspecter les éventuels témoins…Je pense qu’il prend plaisir à observer son œuvre et qu’il se peut qu’il soit présent sur le terrain… », rajouta t elle…

Yann Kérouec regarda intensément sa jeune collègue… Il était impressionné… Son sens de l’analyse et son intelligence étaient réels.

Il sourit.

-« Claire…Vous êtes pas mal… Pas mal du tout même ! », lâcha t il tout en repensant aux déductions de celle-ci.

-« Pardon Yann !!?? »

Kérouec se mit à rire tout en s’apercevant du côté incongru de sa remarque

-« Rassurez-vous Claire ! Je parlais de vos capacités de réflexions !!... Pour tout vous dire j’étais arrivé aux mêmes déductions que vous mais en moins poussées…Nos deux opinions sont en tout cas très convergentes ! ».

 

                                                                            11

 

                                              -« Un oreiller Hélène ?? », susurra t il doucement à son oreille...

Hélène De La Marthe se redressa instantanément dans un sursaut.

-« Euhhhh….Euh !!...Non non…Excusez moi Monsieur Bardaillan…Je me suis assoupis… Juste quelques secondes !!! ».

-« Bien sur Hélène !.. Et vous ronflez depuis plusieurs minutes !!! Au passage…Entre nous, vous bavez un peu lorsque vous dormez !!... », lui lança t il avec un sourire moqueur.

Les quatre vingt quinze autres étudiants de deuxième année présents dans la salle de cours, s’esclaffèrent. Nadine, elle, sourit dans son coin.

Hélène se redressa un peu plus, rouge pivoine.

-« Hélène !...Vous voir dormir en cours est habituel…Il faudrait voir à mieux gérer vos nuits dorénavant ! », rajouta Thomas.

Il est vrai que le cours de législation qu’il dispensait ne le passionnait pas vraiment lui-même, mais bon !... Il n’était pas obligatoire en terme de présence…

Thomas quitta la salle de cours vers 13h et se prit la direction de son bureau pour récupérer le panier repas qu’il s’était amené. Julie, lui avait préparé la veille au soir un Tupperware avec les restes du rôti et des pâtes des enfants. Il se dirigea ensuite vers la salle de détente.

Son collègue Eric était déjà présent avec Nathalie Feret et Paula Vasquez, deux autres formatrices. Les échanges verbaux allaient bon train sur le devenir de certains étudiants.

-« Salut tout le monde…Bon ap’ », lança Thomas à l’assistance tout en enfournant son plat dans le four micro ondes.

-« Au fait Thomas…Est-ce que tu es dispo vendredi pour remplacer Ghislaine pour le cours de travaux pratiques ??...Elle est parait il souffrante !! », lui demanda Eric avec un sourire en coin.

-« Hummm…Attends, je réfléchis !...Ouai ! Ca devrait le faire, c’est ok !!... », lui répondit il après avoir rapidement consulté son agenda.

-« Ouf !...Merci…Merci ! ».

Quelques instants plus tard, Thomas sentit la vibration, puis la sonnerie de son téléphone portable. Il avala rapidement sa bouchée et décrocha.

C’était Julie. il se leva et gagna la sortie pour s’isoler un peu.

La conversation dura quelques minutes.

Julie informa Thomas de son planning concernant la formation qu’elle allait suivre à partir de Jeudi à l’hôpital Fortin. Les cours prévus l’empêcheraient d’être à la sortie de l’école et celle-ci souhaitait savoir si Thomas pouvait être disponible pour récupérer les enfants.

-« T’inquiètes !! Je me débrouillerais », lui avait il répondu...

Le reste de la journée s’était poursuivi avec le comité de lecture de l’évaluation écrite à venir.

Thomas quitta l’école vers 16h30 avec la sensation d’avoir la tête « comme un œuf ».

Il prit son ipod, glissa les écouteurs dans ses oreilles, et se dirigea d’un bon pas vers le métro le plus proche au son de « Hell song » de sum 41…

 

Une demi-heure plus tard il ressortait dans le quartier où il résidait avec Julie depuis maintenant plus de douze ans…

 

Lorsqu’il pénétra dans l’appartement après avoir gravi les quatre étages, Arthur lui sauta immédiatement au cou…

-« J’ai eu un dix !!...J’ai eu un dix !!!!! », criait il en lui serrant le cou de toutes ses forces.

-« Su….Super…Super mon poulet !!!...mais si tu pouvais éviter de m’étrangler ce ne serait pas plus mal !!! », lui répondit Thomas, la voix quelque peu étranglée.

Clara vint l’embrasser également, puis apparue Julie, les bras chargés de linge sale, échappant sur son trajet quelques chaussettes des enfants.

-« Coucou mon ange !...Ca va ?...Ta journée s’est bien passée ? », lui demanda t elle.

-« Ben écoutes, oui …Le train train quotidien… Et puis les cours que j’ai donné aujourd’hui n’étaient pas vraiment passionnants !!, mais bon on ne peut pas toujours traiter que les sujets qui nous intéressent !!... » lui répondit il.

-« Et toi ???...les urgences ?... ».

-« Ne m’en parles pas !!...Les pompiers nous ont fait un festival de mecs bourrés !! Il y avait le salon des vins à la Porte de Champerret…Autant dire qu’il y en a un certain nombre qui se sont mis plus que « minables »…Il y en a même un qui a vomi sur les Crocks de Manu…Il en avait plein entre les orteils !!...Dégueu !!! Il était vert !!! », lui répondit elle en riant.

-« Et ben !! Ca a du être sympa !! ».

-« Et les enfants ??...L’école ??...Remarques, je sais déjà qu’Arthur a eu un dix !!... ».

-« Ca c’est bien passé…Clara révise son contrôle de demain et il est vrai qu’Arthur a eu un dix…Mais t’a-t-il dit le reste ???.... ».

-« Euh….non !...C’est à dire ?? ».

Julie sourit en coin tout en se retournant.

-« Arthur !!!...Viens raconter ce que tu as fais à la récréation de midi ».

Arthur arriva tout penaud et raconta la mésaventure qui lui était arrivé. Il avait récupéré la banane à la cantine et l’avait glissé dans sa poche…Seulement celui-ci l’avait oublié, joué au foot et lors d’un accrochage, le choc avait fait éclaté la banane dans sa poche de pantalon. Il en avait eu partout…Julie l’avait retrouvé à la sortie de l’école dans un état qu’elle avait qualifié de « pittoresque »…

Ils rirent des mésaventures du pauvre Arthur tout en lui faisant un câlin. Celui-ci était vexé comme un pou…

Thomas se tourna vers Julie.

-« Au fait Juju…T’es prête pour tes journées de formation ??...C’est à Fortin n’est ce pas ?? ».

-« Oui !! dans l’amphi qui est près des urgences… ».

-« Oui oui !...je vois très bien où il est. Tiens d’ailleurs j’ai vu Josette Legoff, la cadre des urgences, hier…Toujours aussi droite dans ses bottes !...Une sacré bonne femme ».

-« Elle va bien ? », lui demanda Julie.

-« Oh oui ! si ce n’est qu’elle pestait à cause d’une infirmière qui n’est pas venue et qui n’a pas prévenu, mais bon !..J’avoue que là, je la comprends un peu… mais sinon, ça avait l’air d’aller ».

-« En tout cas, j’ai hâte de commencer, ça devrait être intéressant !!: la médecine de guerre !!...On devrait apprendre plein de choses !!...Il y aura un médecin réanimateur du SAMU, un médecin militaire et un responsable d’ONG… ».

-« Ouai ! Ca doit être super intéressant !...Je t’accompagnerai bien ! », répondit Thomas.

-« En tout cas, en attendant, je te propose au menu : les devoirs, les bains, le repas, et la vaisselle…C’est ton tour aujourd’hui !! », lui lança t elle avec un clin d’œil tendre et malicieux.

 

                                                                          12

 

                                                Mercredi…3h40…

                                                Claire Samson dormait profondément lorsque le bruit du téléphone déchira le silence qui régnait dans sa chambre.

Elle alluma la lampe de chevet près du lit tout en plissant les yeux, puis se saisit du combiné. Les yeux et les idées embrumés, elle le porta à son oreille.

-« Claire !!??....C’est Yann !!...C’est Kérouec !...C’est vous ?, vous m’entendez ? ».

-« je fais que ça … », lui répondit-elle sur un ton monocorde.

-« Vous dormez ??... ».

-« Ben écoutez Yann…Il est quoi ?.......3H45 !!....Que voulez vous que je foute d’autre à cette heure là ??... », lui répondit elle sur un ton agacé.

-« Ouai ben il va falloir vous y faire Claire !!!...je suis au « 36 »…L’équipe est sur le pied de guerre…On a découvert un nouveau corps, il y a une heure trente…Des militaires….Ils étaient en manœuvres de nuit dans la forêt de Rambouillet, lorsqu’un d’entre eux l’a découvert…Je vous attends…dépêchez vous et on file sur place ».

Kérouec avait raccroché juste après avoir terminé sa phrase. Claire Samson était encore à moitié dans les brumes de son sommeil.

Rapidement, elle s’assit sur le bord du lit. Elle resta ainsi quelques secondes puis se leva et se dirigea rapidement vers sa cuisine.

En moins de quinze minutes, elle était dans la cage d’escalier son casque de moto à la main et dévalait les marches deux par deux. Un café, un coup d’eau sur la figure, les dents, un habillage rapide... Elle avait l’habitude des préparatifs accélérés.

Au dehors, les trottoirs étaient trempés…Les gouttières continuaient d’égrainer leur récolte… Il avait plu toute la nuit…Il faisait froid et l’humidité ambiante la fit frissonner.

Elle enfila son casque et démarra sa moto…Le moteur de cinq cent centimètres cubes ronfla dans l’obscurité. Un instant plus tard, elle s’élançait…

 

                                                    La barrière du « 36 » s’ouvrit devant elle sur le coup de 4h30… L’agent en faction était pâle et son visage trahissait la fatigue de nuits de gardes répétées.

Lorsqu’elle pénétra dans le bureau de la section d’investigation que dirigeait Yann Kérouec, tout le monde était là : Eric Stacchi, Florent Fuers, et Kérouec.

Celui-ci la vit immédiatement.

-« Ahh ! Claire !...Désolé pour le réveil un peu brutal…J’ai l’habitude d’avoir des nuits aussi éveillées que mes journées…Alors parfois, j’oublie que les autres peuvent dormir… Je suis désolé…Venez voir…Sur la carte…C’est là qu’on l’a trouvé… ».

Fuers et Stacchi la saluèrent chaleureusement avec un grand sourire. Ils s’affairaient autour du matériel à préparer pour leur intervention. Fuers avait une bonhommie qui ne laissait pas présager au premier abord qu’il était un officier de terrain particulièrement efficace. Stacchi, lui, fils d’immigrés italiens, était plus jeune…Peut être plus impulsif également. Le décès de Poulard l’avait beaucoup marqué…Plus qu’il ne souhaitait l’admettre en réalité…. Poulard était mort dans ses bras tandis que Fuers guettait l’arrivée des secours…C’était la première fois qu’il voyait un homme mourir. Il n’avait rien dit et gardé ses états d’âmes pour lui…

Kérouec expliqua rapidement à Claire les données transmises par la gendarmerie locale.

Quelques instants plus tard, l’équipe quittait le « 36 »….

 

                                                   

A SUIVRE...

Publié dans Roman

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article