Réminiscences. Episode 3

Publié le par Cyril Poujoulat

L’examen du corps et de ses abords immédiats lui prirent environ une heure. Kérouec nota toutes les choses importantes ou points d’interrogation qu’il avait recensé, dans son carnet Moleskine qui ne le quittait jamais.

La victime était une femme, blanche, plutôt jeune. Son corps avait assurément été déplacé ce qui témoignait d’une certaine assurance de la part de son meurtrier. Celui-ci avait le goût de la mise en scène. La position dans laquelle il avait été retrouvé n’était pas accidentelle, mais voulue par son bourreau. Celui-ci avait récupéré un trophée… Les mains de la victime. Cette « prise de guerre » associée à la position de la victime évoquait une personnalité suffisamment évoluée et mûre. La plaie sur l’abdomen était à connotation sexuelle ce qui orienterait probablement les recherches en faveur d’un homme. Kérouec était d’ailleurs convaincu que l’autopsie révèlerait le viol.

Yann Kérouec, lorsqu’il quitta la zone de crime avait déjà en tête une part du profil psychologique du tueur. C’était assurément un homme, plutôt mûr, la quarantaine, éduqué et intelligent. Celui-ci était également probablement de race blanche, car en termes de statistique, les tueurs en série « chassent » plutôt dans leur propre groupe ethnique…

Kérouec leva les yeux vers le ciel. La course des nuages couvrant toutes les nuances de gris était rapide. La pluie, elle persistait. Il avait désormais le dos trempé.

Il grimpa rapidement le talus au sommet duquel il avait laissé De Partel. Celui-ci, occupé à discuter avec le responsable des sapeurs pompiers et l’officier de gendarmerie, ne le vit pas dans un premier temps.

Kérouec se racla la gorge pour signaler sa présence tout en sortant ses cigarettes.

-« Ah ! Kérouec !... Alors ?... Qu’en pensez-vous ? », lui demanda de Partel.

-« Je commence, chef… Des pistes, mais peu d’indices… Je vais retourner au « 36 ». Je voudrais faire quelques recherches dans les fichiers des délinquants sexuels connus et dans celui des scènes de crimes », lui rétorqua Kérouec tout en fixant avec un air mauvais, qu’il savait très bien prendre lorsqu’on l’avait contrarié, l’officier de gendarmerie qui l’avait bloqué.

Celui-ci était bedonnant, le visage marqué par la coupe rose et une large moustache, attribut largement répandu dans ce corps d’armée, lui barrait le visage. Kérouec se fit la réflexion qu’il devait être plus habitué à son bureau qu’au terrain…

Tandis qu’il s’éloignait en direction de sa voiture, De Partel le héla.

-« Yann !...Yann !.... Kérouec !! ».

Celui-ci fit volte face.

De Partel arrivait en trottinant.

-« Yann… Il faut que je vous dise une chose… », lui dit De Partel les lèvres pincées.

-« Quoi ? ».

-« Yann…Depuis la mort de Jean Louis, je sais que vous avez toujours refusé de travailler avec qui que ce soit… ».

De Partel n’eut pas le temps de terminer sa phrase.

-« Chef !...Franchement !…Laissez moi seul…C’est mieux ainsi », lui demanda kérouec visiblement perturbé par ce début d’annonce.

-« Désolé Kérouec, mais les effectifs sont ce qu’ils sont. Je vous ai laissé un peu de temps pour digérer le décès de Poulard, mais aujourd’hui, vous devez reprendre le travail avec un binôme ».

-« Et quel est le fou qui a accepté de travailler avec moi ??... », lui rétorqua Kérouec, sur un ton contrarié.

Le visage de De Partel se ferma un peu plus.

-« La folle…Yann… La folle », lui répondit il.

-« Quoi ??!...Vous allez me coller une gonzesse ???!!!... C’est hors de question chef !... ».

-« Kérouec !...Ce n’est pas négociable !... Mlle Samson vous attend au 36… Je vous laisse faire connaissance avec elle. Elle intègre aujourd’hui votre unité et sera votre second ».

La voix de De Partel avait été tranchante. Kérouec avait tout de suite comprit qu’il ne pouvait plus se défiler.

-« Putain !...C’est pas le moment chef !... ».

-« Yann !...Si je vous écoute, ce ne sera jamais le bon moment !... ».

Kérouec, jura et pesta à nouveau tandis qu’il prenait congés de son supérieur.

Il s’empressa de reprendre une cigarette tandis qu’il s’éloignait en direction de sa voiture.

Tout en marchant d’un pas rapide, kérouec scruta le ciel chargé et pluvieux.

Il se mit à marmonner.

-« Putain…Jean Louis…Si tu voyais ça, tu rigolerais bien mon salaud… »

Kérouec grimpa rapidement dans la voiture banalisée après avoir retiré un imper qui ressemblait plus à une éponge qu’à autre chose.

Il démarra rapidement et le break s’élança sur le chemin sableux et rocailleux.

 

5

 

                                               Thomas Bardaillan pénétra dans le service des urgences à 8h50, le sac en bandoulière, les écouteurs de son lecteur mp3 dans les oreilles. Il avait renoncé à prendre son vélo pour se rendre sur le terrain de stage où il devait réaliser l’évaluation d’une des étudiantes de son école. La pluie tombait sans discontinuer depuis l’aube. Thomas détestait la pluie. Il clamait régulièrement qu’il préférait un froid polaire à une journée de pluie…

Josette Legoff, la cadre du service, lui fit un grand sourire lorsque celui-ci passa sa tête dans l’encadrement de la porte du bureau.

-« Monsieur Bardaillan !!!... », s’écria t elle, en contenant un rire amusé.

-« Alors ça y est ?...C’est le jour de l’éval ??!!... Vous venez encore torturer une de nos élèves ? ».

-« Salut Josette !...Arrêtez avec ça !...je ne suis pas si terrible que ça !...je suis exigeant, c’est tout ! », répondit il en faisant mine de paraître fâché.

Thomas la connaissait depuis plusieurs années. Il avait réalisé un de ses stages lors de sa formation de cadre dans le service que chapeautait alors Josette Legoff.

Petite, le bassin large, les jambes arquées, Josette Legoff ne pouvait pas renier ses origines de pure bretonne. C’était un tempérament. Infirmière anesthésiste de formation et célibataire endurcie, celle-ci avait commencé sa carrière comme convoyeuse de l’air dans l’armée et avait participé à de nombreux conflits comme la Bosnie. Agée d’aujourd’hui cinquante ans, elle avait quitté depuis plusieurs années le monde militaire, mais en avait gardé l’état d’esprit.

Thomas l’admirait sincèrement, et appréciait plus particulièrement son non conformisme et son humanité auprès des étudiants. Comme il aimait le lui rappeler à chaque feuille de note, celle-ci était une redoutable avocate. Peut être tout simplement parce qu’elle savait à quel point le métier était aujourd’hui difficile pour les « petites bleues »…

-« Mais oui !!...Je sais Thomas !...Je vous taquinais…Bon ! Je vous accompagne. Aujourd’hui, ce sera finalement Marie Blanchon qui fera l’épreuve…Mais si vous pouviez faire rapide, ca arrangerait tout le monde car j’ai une infirmière d’absente ce matin, et en plus elle n’a pas prévenu, ce qui me gonfle royalement… Celle là, je lui soufflerai un bon coup dans les bronches à son retour…Enfin bon !!...Faut faire avec…ou plutôt sans ! », ajouta t elle en ronchonnant.

-« Oh !....Ca devrait aller rapidement Josette, car j’ai croisé pas mal de patients en entrant dans le service… On devrait donc trouver matière, et rapidement !... », lui répondit il.

Thomas Bardaillan gagna le vestiaire qui lui était réservé et se changea rapidement.

Quelques instants plus tard, il déboulait, la chemise cartonnée sous le bras, et le stylo en main dans le service. Les urgences de l’hôpital Fortin étaient déjà bien remplies ce qui était habituel pour un lundi matin.

La plupart des gens souffrant modérément tenaient toujours le coup le temps du weekend pour brutalement décompenser le lundi matin, avec plus ou moins de gravité. Plutôt moins que plus d’ailleurs…

Laetitia Dupin, ressentit une brutale montée d’adrénaline lorsqu’elle le vit entrer dans le poste de soins. Ses mains tremblaient tandis qu’elle le saluait et commençait à présenter son organisation et les patients qu’elle avait pris en charge.

Laetitia avait vingt ans et avait commencé les études d’infirmière pour contenter sa famille ancrée dans le milieu médical ou paramédical. Elle, ne s’était jamais sentie à l’aise dans ce milieu et tentait tant bien que mal de surnager.

L’évaluation dura presque trois heures. Le niveau était bas. Thomas et Marie eurent du mal à se contenir de rire lorsque Laetitia se mit à surveiller le cordon de la saturation au lieu de surveiller la ligne de perfusion. Pendant les trente secondes où celle-ci observait le mauvais cordon, Thomas et Marie échangèrent des regards tout d’abord interloqués, puis, hallucinés, et enfin goguenards tant l’erreur était flagrante. L’étudiante ne voyait même pas le capteur lumineux rouge, clignoter au niveau du cordon. Ce n’est qu’au bout de trente ou quarante secondes que celle-ci s’en aperçu…

Elle valida néanmoins l’évaluation, mais de justesse…

Il était 13h lorsque Thomas Bardaillan, sur le point de partir, salua Josette Legoff.

Au dehors, la pluie tombait toujours. Les flaques d’eau déjà présentes dans l’allée avant son arrivée s’étaient considérablement élargies et il fallait désormais longer les murs pour pouvoir circuler à certains endroits.

Il lui fallut environ trente minutes de métro pour pouvoir regagner l’école.

Lorsqu’il franchit les portes de l’école, il ne vit quasiment personne si ce n’est quelques étudiants. C’est alors qu’il se souvînt qu’aujourd’hui, c’était le pot de départ de Janine Leveaux, une de ses collègues coordinatrice. Celle-ci n’avait aucune affinité avec Thomas et celui-ci le lui rendait bien. Janine Leveaux était une arriviste née. Comme se plaisait Thomas à le dire, celle-ci avait les dents qui rayaient le parquet. Outre l’allusion aux ambitions non dissimulées de Janine Leveaux, les remarques de Thomas se basaient également sur la dentition chevaline de celle-ci.

Cependant, celle-ci avait malgré tout atteint son objectif et venait d’être promue pour une formation. Elle allait donc quitter l’école, sans aucun regret de la part de Thomas…

Tout le monde était en salle de détente, une flute de champagne à la main. Le buffet était impressionnant. A la mesure de l’arrivisme de Janine. Il y a avait du champagne, des toasts variés, en provenance d’un traiteur réputé, et les desserts étaient tout aussi appétissants.. Celle-ci était rayonnante d’orgueil et de fierté. Elle portait un ensemble en « pied de poule » gris et blanc et se dandinait sur des talons trop hauts pour elle. Thomas, en souriant, ne put s’empêcher de s’imaginer face à une dinde dans une basse court…

Après avoir lancé un bonjour à la cantonale, Thomas récupéra une flute et se dirigea dans un coin à côté de Marie France Duval, une de ses collègue.

Celle-ci lui adressa un sourire et un clin d’œil connaissant tout à fait le peu d’amitié que ressentait Thomas pour Janine Leveaux. Mais elle savait également qu’il était difficile de fuir ce genre de réunion. Thomas prenait sur lui-même et restait dans le « politiquement correct ».

Après quelques formules passes partout, d’usage, à Janine Leveaux, Thomas reprit sa discussion avec Marie France et avec Eric Dufour avec qui, il partageait son bureau.

Quelques toasts et le contenu de deux flutes de champagne plus tard dans l’estomac, il pénétra dans son bureau et s’affala sur son fauteuil...

Les vacances approchaient et Thomas tenait absolument à tout boucler pour pouvoir partir les mains vides et profiter au maximum de ses congés. Julie et lui avait prévu de nombreuses sorties…

Quelques instants plus tard, après avoir siroté un café bien serré, Thomas se mettait à l’œuvre…

 

6

 

                                                    Nadine sortit à la pause pour téléphoner à Ludo. Le cours de Ghislaine Nuche, une des collègues de Thomas Bardaillan, était comme chacun des cours qu’elle donnait…Barbant… Pourtant, le programme du jour était un cours d’anatomie sur le système digestif… Celui-ci aurait du être clair et précis, l’anatomie variant peu d’une année sur l’autre. Mais celle-ci avait un don inouï pour compliquer les choses, changer de sujet, y inclure des considérations mystiques qu’elle seule percevait et comprenait. Au final, le cours se terminait souvent dans une incompréhension générale quand se n’était pas en altercation…

Avant, Nadine aurait été parmi les premières à monter au créneau et à revendiquer. Depuis les huit mois où elle avait reprit les cours en deuxième année, elle restait plutôt en retrait. En retrait par rapport aux formateurs, mais également par rapport aux autres étudiants. Seul Ludo, son éternel complice comptait pour elle. Celui-ci était passé en troisième année et l’alternance des promotions entre les stages et les cours les gênait pour se retrouver, mais ils se débrouillaient malgré tout…Ils n’avaient jamais été aussi proches…Et qui d’autre que lui pouvait la comprendre…

Nadine avait vingt deux ans. Ses cheveux blonds, bouclés, tombaient en cascade sur ses épaules. Ses traits étaient fins et sa silhouette élancée.

A la voir, personne n’aurait pu imaginer ce qu’elle avait vécu plus d’un an auparavant. Nadine avait dressé un mur autour d’elle. Une rudesse qui pouvait être difficilement perçue. Seul Ludo réussissait à la faire rire. Mais il avait fallut du temps. La seule trace encore visible aujourd’hui était le petit trait cicatriciel au niveau de sa lèvre inférieure. Mais loin de la défigurer, celui-ci ajoutait encore à son charme. Son épaule droite restait douloureuse par moment…Principalement des jours comme aujourd’hui où la pluie était de la partie…

Elle avait croisé le chemin de Philippe Baur. Celui-ci l’avait martyrisé. Elle n’avait du son salut que grâce à l’intervention de Thomas Bardaillan et de la police… Et puis, Paul, l’homme qu’elle aimait était mort, assassiné par Baur… Elle était allée se recueillir sur sa tombe. Elle avait revu deux fois les parents de Paul…Puis, s’était éloignée. Le souvenir était trop douloureux…

Des semaines étaient passées. Des mois également. Ludo et elle s’étaient progressivement rapprochés. Outre l’attirance qu’ils avaient toujours ressenti l’un pour l’autre, le drame qu’ils avaient traversé ensemble les avait véritablement unis.

Mais elle ne se sentait pas encore prête pour redémarrer une relation amoureuse. Ludo le savait et restait compréhensif. Comme il le lui avait dit :  « Laisses toi du temps Nadine…Je suis là, et je serai toujours là…Après, on verra bien !... ».

 

                                                        Nadine prit un café au distributeur et se dirigea vers un coin du patio où les étudiants se délassaient entre deux cours. Elle s’assit sur le bord du muret et composa le numéro de Ludo.

Quelques tonalités plus tard, celui-ci décrochait.

-« Allo ! ».

-« Ludo !...C’est moi…C’est Nadine… ».

-« Ah ben quand même !...Je commençais à me demander ce que tu faisais !!... », lui répondit il.

-« M’en parle pas !...On est en cours avec Mme Nuche… ».

-« Aaahh !...Ok…J’ai compris ! », lui répondit il en riant.

-« Et toi ?...La pédiatrie…C’est bien ? ».

-« Ben écoutes…Mon éval est dans trois jours, mais ca devrait aller…L’équipe est plutôt sympa ».

-« Bon ! En tout cas, à la fin de la semaine, on est en vacances !!... Ca va être cool !... ».

-« Tu as récupéré les billets pour Londres ?? », lui demanda t il.

-« Oui !Oui !...T’inquiètes pas !...Quatre nuits, cinq jours…Départ, samedi midi, 12h45 !! ».

-« Ok !...Chouette ! On y est presque ! ».

-« Ouai…Ca va nous faire du bien…Je suis contente de partir avec toi Ludo… », rajouta t elle doucement.

-« Moi aussi Nadine…Moi aussi », lui répondit il.

Un léger silence s’installa entre les deux jeunes gens.

-« Bon aller fainéante !! En cours !!...Bon courage pour la deuxième moitié…On se rappelle demain ok ? ».

-« Ok mon Ludo…J’t’adore…A demain… ».

 

7

 

                                                     Durant tout le temps que lui prit le trajet pour rejoindre Paris et le « 36 », Yann Kérouec repensa aux paroles de De Partel et à la nouvelle qu’il lui avait annoncé. L’enquête qui commençait passait pour l’instant au second plan. Il imaginait difficilement la personne qu’il allait rencontrer. « Une femme » !!...de Partel lui avait collé une femme. Ormis les quelques liaisons sans lendemain qu’il avait eu depuis son divorce, c’était la première fois qu’il allait devoir vivre régulièrement aux côtés d’une femme. Ce changement dans sa vie et dans son aspect routinier le perturbait. De Partel avait quelque part raison. Kérouec savait qu’il ne se sentirait jamais prêt à reprendre un coéquipier de son propre chef...Encore moins « une » !... Alors…Après tout…

                                                      Il franchit les portes du « 36 » à 13h… Il pleuvait toujours. Le ciel était encore gris… uniforme. Kérouec gara le break dans la cour intérieure. Sur son trajet, il salua quelques collègues et se dirigea rapidement vers le service où siégeait le groupe de recherche qu’il dirigeait. Il fit une pause de quelques instants à la machine à café. Depuis le passage en vigueur de la loi sur le tabac dans les lieux publics, Kérouec avait été contraint comme tous ses collègues accros au tabac à faire régulièrement la navette vers le rez de chaussée pour satisfaire son vice. Il avait envie de fumer…Il pesta à voix basse, saisit son café, et se dirigea vers l’entrée de son bureau. Alors qu’il franchissait l’entrée, il s’immobilisa soudainement.

La jeune femme était assise face à son bureau et lui tournait le dos. Celle-ci, alertée par l’ouverture de la porte, se retourna, lui sourit et se mit debout.

Elle mesurait environ un mètre soixante dix, possédait un corps mince mais visiblement athlétique et était métisse d’origine asiatique. De longs cheveux raides et noirs comme de l’ébène tombaient sur ses épaules. Ses traits étaient doux, ses yeux expressifs et un charme certain se dégageait de sa personne.

-« Capitaine Kérouec ?... », lança t elle, d’une voix ferme, en souriant.

-« C’est comme ça que l’on m’appelle !...Mais si vous voulez bosser avec moi, faudra m’appeler Yann !!...Ok Mademoiselle Samson ?... ».

Celle-ci fut quelque peu surprise du sens glacial de la répartie dont avait fait preuve son supérieur et marqua un temps d’hésitation avant de reprendre.

-« Bonjour capitaine…Euh…Mons…Merde !!...Bonjour Yann !!...je suis le lieutenant Claire Samson, votre nouvelle coéquipière. Inutile de me le dire, je sais que vous ne désiriez pas avoir de coéquipier et encore moins de coéquipière !...mais puisque nous allons travailler ensemble, vous pouvez également m’appeler Claire si vous le souhaitez. Ca fait moins formel que « lieutenant Samson »… », lui répondit elle sans se démonter tout en le regardant fixement.

Yann Kérouec ne manifesta pas la moindre surprise concernant la réponse de son interlocutrice. Son aplomb l’avait cependant surpris…En bien !!...

Il lui sourit tout en déposant sa sacoche.

-« Vous fumez Claire ? ».

-« Non ! Désolée, je suis plutôt thé et bio », lui répondit elle avec un sourire, se doutant de la réaction de celui-ci.

-« C’est pas possible !...Et ben !...On va faire la paire !!...ce vieux brigand de De Partel l’a fait exprès !...C’est pas vrai !!...Bon venez, je vous emmène prendre un thé machine au distributeur… », lui dit il en riant.

Claire Samson se saisit d’un chouchou de couleur bleue, et ramena ses cheveux en queue de cheval.

-« Ok Yann !...Je vous suis ».

 

8

 

                                                Julie Bardaillan sortait du box numéro deux où elle venait de poser une sonde gastrique à un patient en occlusion lorsqu’elle vit Marie, sa collègue, suivie de manu, un sourire jusqu’aux oreilles.

Marie, elle, râlait tout ce qu’elle pouvait en se dirigeant vers la sortie, et en tenant entre ses mains gantées un pot à bouchon rouge pour les prélèvements.

Julie, étonnée et curieuse, agrippa Manu par la tunique.

-« Ben alors mon grand, qu’est ce qu’elle a Marie ?...Pourquoi fait elle la gueule ?? », lui demanda t elle.

-« Elle fait pas la gueule Julie, mais on vient d’installer un mec qui s’est fait bouffer l’oreille par son chien, et Etienne, l’interne, a demandé à Marie d’aller sur le parking voir la voiture du type, et récupérer le morceau d’oreille si elle le voit dans l’habitacle. Le mec était avec sa grand-mère, et celle-ci attend Marie à la voiture !!... ».

-« Qu’est ce que c’est que cette histoire de fou ?? »

-« je te jure !!! », répondit Manu en pouffant de rire.

-« Elle va devoir rentrer dans la voiture ??...Avec le chien à l’intérieur ???...Elle est malade !!...C’est n’importe quoi ! »…

Sur ce, ils allèrent se poser quelques instants, au premier étage du bâtiment des urgences, dans l’office autour d’une tasse à café.

Manu et Julie pénétrèrent dans le local après avoir récupérer un paquet de café dans le vestiaire de Manu et y retrouvèrent leur chef de service, Victor Alexienko, en grande discussion avec un représentant de laboratoires, spécialisés dans les anticoagulants.

-« Bonjour, bonjour !... », lança Manu à a la cantonale.

Alexienko et le représentant lui répondirent amicalement en souriant.

-« Julie !... Prépare le café !... Je regarde par la fenêtre voir si je vois Marie et son clebs ! », dit Manu, le sourire aux lèvres.

-« Ok… ».

-« Ouaii !!! Trop fort !!...Juju !...Je la vois, avec la grand-mère du mec !!...Putain !...La grand-mère !....Elle est en train d’attraper le chien et de le mettre dans le coffre !...Boudiou ! Il a pas l’air content le clebs ! ».

Julie se précipita à la fenêtre aux côtés de son collègue.

-« Elles sont où ??...Dis-moi Manu !! », lui dit Julie en se déhanchant pour tenter de les apercevoir par la fenêtre.

-« Ah oui ! Ca y est !...je les vois », dit elle, en riant.

Un étage plus bas, sur l’esplanade où se situait le parking des urgences, Marie venait de pénétrer dans la voiture, à quatre pattes, tandis que la grand-mère tentait de fermer le coffre avec le chien à l’intérieur.

-« J’hallucine Manu…On fait vraiment un métier de dingues !! ».

-« Ouai !...Encore une histoire qui restera dans les annales des urgences !!! ».

                                                    Julie et Manu s’installèrent à table en riant encore des mésaventures de leur collègue.

Alexienko adressa un sourire à Julie.

Outre le rôle de chef de service, celui-ci était également attaché à son personnel. Et Julie faisait partie des anciennes. Il savait ce qu’elle avait vécu. Il était venu lui-même au domicile des Bardaillan pour apporter les bouquets de fleurs que les collègues de Julie lui avaient offerts suite à l’affaire Baur.

Alexienko avait été d’autant plus touché par tout ça qu’il connaissait très bien les protagonistes. Philippe Baur était un collègue et un ami…Un ami sur lequel il s’était trompé des années durant.

Tous ces évènements étaient aujourd’hui passés, mais ils avaient néanmoins laissé de profondes meurtrissures dans les esprits… 

 

9

 

                                                    Il était 15h lorsque la camionnette, « fatiguée », de couleur grise anthracite s’immobilisa au bout de la petite allée en terre située au fin fond de la forêt de Rambouillet. Le conducteur coupa le moteur. Celui-ci resta un long moment immobile tout en caressant le volant avec les paumes de ses mains. Quelques minutes plus tard, l’homme, la quarantaine, descendit hors de la camionnette. La pluie l’avait accompagné sur tout le trajet. Elle avait également l’avantage d’éloigner les curieux…

Il lança quelques regards furtifs tout autour de lui, puis se dirigea vers l’arrière du véhicule. Il essuya du revers de la main les gouttes qui constellaient son visage, puis entreprit d’ouvrir les portes arrières.

Les deux battants s’écartèrent en grinçant légèrement. Quiconque aurait découvert ce que l’homme transportait dans sa camionnette, aurait prit ses jambes à son cou en hurlant de terreur…

Ses mains puissantes, couvertes de cicatrices saisirent le contenu du véhicule, enveloppé dans une bâche. Des traces visqueuses, plus ou moins rougeâtres recouvraient le plancher et les parois de la camionnette.  L’homme prit une grande inspiration et hissa le lourd fardeau sur son épaule. Son regard balaya à nouveau les bois environnants. Il pénétra au travers des fougères et autres arbustes. Le sol était détrempé. Il s’enfonçait profondément dans la terre, alourdi par le poids qu’il transportait. Rapidement, les rangers qu’il portait furent souillées de boue. Il progressa ainsi sur une cinquantaine de mètres. Il déboucha enfin sur une petite clairière. Il s’immobilisa, scruta les environs puis mit à terre le poids qu’il portait.


A SUIVRE !!!!

Publié dans Roman

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