OD. Episode 20 (2). Epilogue

Publié le par Cyril Poujoulat

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                               Lorsque Kérouec, Stacchi, et Fuers descendirent les marches les conduisant aux sous sols, le bruit de la déflagration parvint à leurs oreilles. Ils découvrirent au bas des escaliers Nadine et Thomas.

Kérouec fut stoppé net dans son élan lorsque ses yeux se portèrent sur Nadine. Celle-ci ne ressemblait plus du tout à la jeune femme souriante qu’il avait vu sur les photos figurant dans son dossier. Elle était complètement nue, allongée sur le sol, blottie contre le mur, les genoux ramenés sur sa poitrine. Elle tremblait tout en gémissant de peur et de douleur. Son corps tout entier portait les stigmates des sévices endurés au cours de ces dernières vingt quatre heures. Sa mâchoire était tuméfiée, du menton jusqu’à l’œil gauche, elle avait du sang coagulé plein ses cheveux blonds, son épaule était déformée, probablement luxée, et une multitude de coupures et contusions constellaient ses bras, ses jambes et son ventre. Pourtant habitué aux horreurs de son métier le policier eut du mal à contenir son émotion.

-« Fuers !...Occupe toi d’elle…et appelle le SAMU ».

Thomas, blessé mais conscient était allongé sur le côté.

Kérouec se tourna vers lui.

-« Par où est il parti ?...Vite !! », lui lança t il.

Thomas leva la main et pointa du doigt la direction dans laquelle se trouvait la deuxième issue.

Kérouec s’accroupit un instant à ses côté et lui posa la main sur le genou.

-« Courage…Mon collègue appelle les secours ».

Il se redressa ensuite et reprit avec Stacchi sa course poursuite.

Ils trouvèrent aisément la sortie et déboulèrent à nouveau à l’extérieur.

Kérouec et Stacchi ne virent pas immédiatement jean Louis Poulard, étendu sur le sol à quelques mètres d’eux. Soudain, Kérouec l’aperçu.

-« Ooh ! Putain !!...Merde !!!...Jean Louis !!.... », s’écria t il.

-« Merde !!... », reprit il encore une fois en s’agenouillant aux côtés de son ami.

Celui-ci respirait difficilement, couvert de sang. Sa main était crispée sur son cou d’où s’échappaient de longs filets de sang.

-« Peux plus respirer….Yann….J’ai mal !....Choppes le ce taré…Il s’est barré par ici…il n’a pas trente secondes d’avance……Fonces !..................... ». Réussir à formuler ces quelques mots fut une véritable épreuve pour Poulard.

Kérouec ne perdit pas un instant, il serra fort la main de son collègue en lui souriant.

-« Tiens le coup Jean Louis…Accroches toi….Florent ! Reste avec lui, je continue ».

Kérouec saisit sa maglite et projeta le faisceau lumineux en direction des bois. Il mit en joue son automatique et disparu entre les arbres sur les traces de Baur.

Yann Kérouec ne savait pas encore à ce moment là qu’il venait de parler à Jean Louis Poulard pour la dernière fois…

 

71

 

                                          Philippe Baur courait aussi vite qu’il le pouvait. Son corps nu était zébré d’éraflures diverses causées par les branchages qu’il franchissait. Les ronces, les racines affleurant lui martyrisaient les pieds. Ceux-ci ne tardèrent pas à saigner, ralentissant sa progression. Une cinquantaine de mètres plus loin, il se retrouva face à une rivière dont le débit et la profondeur étaient plus que dissuasifs. Il marqua un temps d’arrêt afin de faire le point sur la situation. C’est à cet instant qu’il sentit une présence se rapprocher. Le bruit des branches écrasées et repoussées trahissaient l’arrivée de ses poursuivants.

Philippe Baur se mit au sol. Presque allongé, camouflé par quelques arbustes. Il calma sa respiration et saisit fermement la lame qu’il avait déjà utilisée deux fois au cours de cette soirée…

                                           Yann Kérouec, arriva aux abords d’une rivière. Il lui sembla peu probable que Baur ait pu la franchir. Il s’abaissa instinctivement, son arme de service bien en main, les poignets croisés, une main tenant l’automatique, l’autre braquant le faisceau de la torche électrique dans le prolongement de la ligne de mire. Il se mit à progresser doucement entre les arbustes bordant la rivière. La température extérieure était largement en dessous de 0°C, le froid était enveloppant, engourdissant. Kérouec sentait ses doigts se crisper sur la gâchette et sur son arme. Il essayait régulièrement de se détendre afin de conserver une souplesse maximale et surtout sa vitesse de réaction. Il parcouru plusieurs mètres. Sans un bruit. Contrôlant sa respiration à chacun de ses pas. Il passa à la hauteur de Baur sans le voir. Celui-ci saisit l’occasion. Malgré les douleurs et l’engourdissement de ses membres, il se lança sur Kérouec. Celui-ci eut à peine le temps de sentir le déplacement de son agresseur. La lame pénétrait déjà son bras droit. Baur enchaîna sur un large balayage qui entailla le front de Kérouec au niveau de la tempe gauche. Les deux attaquent lui firent échapper l’automatique. Celui-ci tomba au milieu des herbes et des arbustes, perdu dans l’obscurité. Kérouec était expérimenté. Il sentit immédiatement qu’il se retrouvait en position d’infériorité. La seule solution était le corps à corps, afin que Baur perde l’avantage de son couteau.

Kérouec se projeta contre Baur le genou en avant tel un bélier. Baur n’eut pas le temps de porter un troisième coup. Il prit le genou en plein dans le foie, ce qui le fit plier et hurler de douleur. Kérouec enchaîna avec deux directs du droit, malgré la douleur sur son bras. Le sang ruisselant sur son visage gênait sa visibilité. Il l’essuya d’un revers de main, lorsque le poing de Baur s’écrasa sur sa mâchoire. Kérouec bascula en arrière, sonné. Il chuta au sol face contre terre. Philippe Baur récupéra la lame de chirurgien afin de porter l’estocade finale.

-« Je vais te saigner connard…. Je vais te saigner comme ton copain… Je vais te saigner comme une truie !!! », hurla t il en se précipitant sur Kérouec.

Celui-ci réussit à se retourner sur le sol et vit son agresseur brandir la lame en se précipitant sur lui.

Le moment était venu. Yann Kérouec repensa en un éclair de temps aux pressentiments qui l’avaient assailli peu de temps auparavant. Il s’accorda une dernière pensée pour sa fille qu’il ne verrait pas grandir. Peut être était ce mieux ainsi finalement. Baur arma son coup. Kérouec perçu dans son regard toute la folie qui l’animait.

Un éclair fulgurant et assourdissant traversa la nuit.

L’épaule de Baur se disloqua projetant un mélange de sang et d’éclats osseux sur Kérouec, encore étendu sur le sol. La balle avait traversée l’omoplate et brisée la clavicule.

Philippe Baur vacilla, perplexe. Yann Kérouec tendit le cou afin de voir qui avait tiré sur l’homme qui allait le tuer.

Philippe Baur pivota afin de faire face à celui qui venait de faire feu sur lui.

La stupéfaction pouvait se lire sur son visage. Face à lui se dressait Julie Bardaillan. Celle-ci tenait fermement  l’automatique que Kérouec avait laissé échapper.

Baur marqua un temps… Baissa son visage…Le redressa lentement en regardant le sang s’échapper en flot continu hors de son épaule. C’est alors qu’il se jeta en hurlant en direction de Julie.

La deuxième balle passa au dessus de sa tête.

La troisième lui emporta la moitié du visage, projetant une myriade de gouttelettes sanglantes mêlées de fragments osseux et tissulaires.

Philippe Baur s’affaissa tel un pantin dont on aurait coupé les guides.

Julie Bardaillan croisa le regard de Yann Kérouec.

L’automatique encore fumant tomba sur le sol terreux dans un bruit sourd.

Julie Bardaillan s’assit sur le sol et se mit à pleurer…

 

72

 

                                      Il était 5h lorsque les équipes du  SAMU du Calvados terminèrent de techniquer et d’organiser l’évacuation des blessés.

                                     Thomas Bardaillan avait plusieurs côtes fracturées et un léger pneumothorax. La plaie à l’épaule était peu profonde et il en serait bon pour quelques points de sutures.

Julie était à ses côtés dans le véhicule lorsque l’ambulancier referma les portes. Elle serrait de toutes ses forces la main de son époux. Elle était choquée. Choquée par les évènements, par le geste qu’elle venait de réaliser quelques heures auparavant. Elle revit Philippe Baur, nu, disparaître en courant dans les bois. Elle se revit s’élancer sur ses traces, à la suite de l’officier de police qui venait également de le prendre en chasse. Elle ferma les yeux. Des larmes roulèrent sur ses joues pour s’écraser sur ses mains…

                                     Yann Kérouec était allongé sur le brancard du deuxième véhicule. Il regardait fixement la perfusion et le gouttes à gouttes s’en échappant. Son bras avait été entaillé profondément et il lui fallait être transféré au bloc. Son front avait été recousu et recouvert d’un pansement compressif.

Il était sauf.

Mais Yann Kérouec était ailleurs. Jean Louis Poulard n’était plus là. Son corps avait été glissé dans un sac plastique. Un de ces sacs dont Kérouec avait trop souvent fait glisser la fermeture éclair.

Son collègue était mort en service.

Mais le plus dur, le plus douloureux pour Kérouec, c’était la perte de celui qu’il considérait comme son ami, la perte de celui qui avait partagé tant d’affaires, tant de coups durs…

Stacchi et Fuers fumaient nerveusement leur clope au dehors. Personne ne parlait…

                                     Dans le troisième véhicule, Nadine était allongée, inconsciente. A l’arrivée des secours et après son réveil, elle avait été parcourue de convulsions. Le médecin du SAMU avait décidé d’emblée de la placer sous tranquillisants. Son épaule était démise, son corps extrêmement meurtri, mais l’atteinte principale demeurait surtout psychologique.

L’examen médicolégal permettrait d’en savoir plus…

                                      Philippe Baur, lui, avait été placé dans un autre sac en plastique. Kérouec s’était violemment opposé à ce que l’on range son corps dans le même véhicule que celui de Poulard. Une autre ambulance avait du coup été appelée…

Philippe Baur avait entretenu une relation incestueuse, cachée de tous, avec sa sœur jumelle. Lorsque celle-ci s’était faite agressée et violée, il l’avait sentit s’éloigner. Ne pouvant l‘accepter, il s’était de son côté progressivement renfermé. L’infection de celle-ci par le VIH avait fini de détruire sa conscience, cédant la place à un esprit beaucoup plus torturé et implacable.  Il l’avait accompagné tout au long de sa maladie jusqu’à son décès dans la demeure familiale. C’est à ce moment là probablement qu’il avait définitivement basculé. Il avait élaboré son plan méthodiquement. Il avait renoncé à tout sentiment d’humanité. Partagé entre son désir de vengeance et des désirs sexuels refoulés. Il avait essayé de retrouver Clarisse…Mais sa quête s’était transformée en course aux chimères….

     

                                        Au dehors, la neige avait repris son envoûtant ballet…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Epilogue

 

 

 

 

 

                               26 Janvier…15h45…

                               

                               -« Clara !.... Arthur !!...Arthur !!!!!...Allez !! Venez!!!....”, lança Thomas de la cuisine où il venait de préparer une vingtaine de crêpes pour le goûter. L’assiette sur laquelle il les avait disposées dégageait un parfum qui fit rappliquer les enfants en quelques secondes. Julie avait sorti une bouteille de cidre du réfrigérateur.

Thomas saisit l’assiette, des serviettes jetables et une bouteille de jus de fruits pour les petits. Une légère douleur, le fit grimacer et marquer une pause.

-« Ca va mon cœur ??.... », lui dit Julie qui avait remarqué la gêne ressentie par son mari.

-« Oui !... Oui….C’est juste quelques douleurs résiduelles…. Ne t’inquiète pas… ». Il plongea alors son regard dans le sien. Il y lu tout l’amour qu’elle pouvait avoir pour lui. Mais aussi qu’elle repensait au mois qui venait de passer… Il savait qu’elle aussi avait énormément souffert de ce qui s’était passé. Julie n’avait peut être pas été blessée physiquement, mais elle avait vu des choses et surtout fait un acte qu’elle n’avait jamais imaginé faire un jour. Elle avait digéré ça… Doucement… Avec le temps… Mais de temps en temps, elle avait encore le regard perdu. Le temps les aiderait se disait Thomas… Le temps atténue bien des choses s’évertuait-il à répéter…

                                L’officier de police Kérouec était venu en personne à sa sortie d’hôpital leur rendre visite à leur domicile pour remercier Julie de lui avoir sauvé la vie. Le personnage était déroutant. Sous une apparente froideur, Thomas avait rapidement comprit qu’il y avait un homme profondément humain, marqué par la vie et terriblement affecté par le décès de son collègue et ami…Yann Kérouec était ensuite parti et ils n’avaient plus eu aucunes nouvelles de lui.

                                Thomas Bardaillan repensa également, tout en dressant la table, à Nadine… Ce qu’elle avait enduré n’était en rien comparable à leurs petits soucis. Nadine après deux semaines d’hospitalisation avait regagné son appartement. Elle avait refusé la prière de ses parents de revenir au domicile familial dans la région bordelaise. Elle avait demandé un report de scolarité à la direction de l’école et avait déjà prévu de reprendre les cours à la rentrée de septembre. La mort de Paul avait été particulièrement dure à surmonter, mais son ami Ludo était très présent. Elle savait depuis un moment que leur relation avait changé… Mais ce n’était pas d’actualité… Elle ne se sentait pas prête à envisager quoi que ce soit. Ludo, lui, avait eu la délicatesse de mettre entre parenthèse les sentiments qu’il pouvait ressentir et se concentrait sur le bien être mental de son amie tout en poursuivant son année…

 

-« Papa !... ».

-« Papa !!?... », clamèrent Arthur et Clara dans un même élan.

-« Euh !....Oui ?...Qu’y a-t-il ??.... », répondit Thomas encore perdu dans ses pensées.

-« ben ! On peut avoir des crêpes ???...On a faim !!... ».

Thomas regarda ses enfants. Son regard se porta ensuite sur Julie. Celle-ci lui adressa un sourire. Elle avait comprit…

-« Pardon mes poulets !!...Je manque à tous mes devoirs !!... », lança t il sur le ton de la plaisanterie.

-« Allez !!! Qui veut être servi en premier ???!!! ». 

 

 

 

FIN 

                                         

       

         

 

   

 

 

 

     

 

    

 

                                            

 

  

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Roman

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S
N'étant pas habituellement un grand lecteur, j'ai apprécié cette nouvelle qui m'a accompagnée tout au long de l'année, comme d'autres je pense. Elle a été rafraichissante et a permis de nous évader le temps de la lecture.<br /> Merci pour tout. Bonnes vacances et on se revoit à la rentrée !
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