OD. Episode 20 (1). Epilogue.

Publié le par Cyril Poujoulat

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                                          Nadine était terrifiée. Elle se redressa péniblement en prenant appui sur un des fûts de chêne présents dans la salle principale. Ses mains douloureuses tremblaient, son corps tout entier la trahissait. Elle qui était pourtant une sportive complète se retrouvait complètement affaiblie, totalement vulnérable. Elle progressa aussi rapidement que possible en se glissant entre les alignements de fûts et en courbant le dos pour ne pas être repérée.

La porte de la cave s’ouvrit soudainement.

Nadine plongea entre deux rangées et se figea dans un silence angoissant.

Philippe Baur, en sueurs se tenait dans l’encadrement de la porte. La douleur était encore très forte. Le sang ruisselait le long de son bras en de grosses gouttes épaisses qui après avoir gagné sa main venaient s’écraser au sol. Baur regarda son bras en grimaçant et essuya le sang grossièrement du revers de la main. Il se tenait toujours à moitié courbé et gardait la main posée sur ses parties génitales endolories.

Il s’était emparé de la longue lame qu’il avait utilisé pour ouvrir le soutien gorge de Nadine.

-« Viens là salope !!!! », hurla t il dans la pièce.

Sa voix était devenue rauque. Presque animale. Ses sens étaient en action. Il allait la trouver. Il la prendrait et il la découperait…Lentement…Longuement. Et il la regarderait mourir. Il ne pouvait en être autrement dans son esprit.

Il scruta l’espace autour de lui à la recherche du moindre son ou bruit pouvant lui indiquer la position de la jeune femme. Il ne perdait pas de vue non plus la porte située au fond et qui menait à l’étage supérieur. Il promena la lame sur l’armature métallique des fûts au fur et à mesure de sa progression. Le son aigu de la lame crissant sur l’acier déchirait le silence.

Nadine serra les dents, se mordit les lèvres jusqu’au sang pour ne pas crier.

-« Nadine…Nadine ?...Viens là ma jolie Clarisse. Viens me rejoindre…Comme au bon vieux temps. J’ai mis la crème que tu aimais tant. Viens là Clarisse… », susurra t il doucement entre ses dents.

Nadine tremblait. Pétrifiée derrière le tonneau qui la dissimulait encore. Baur avait visiblement perdu la raison. La folie avait définitivement prit le dessus.

-« Je ne te ferai pas mal…je t’aime trop tu sais… », renchérit il.

Le silence faisait écho aux appels de Baur.

Celui-ci perdit soudainement son calme.

-« Je vais te baiser petite garce !!!...Tu m’entends ??...Tu ne peux pas t’échapper !!!!...Tu ne ressortiras jamais d’ici !!!! » hurla t il à nouveau.

 

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                                    Thomas pénétra rapidement à l’intérieur de la bâtisse. Il referma rapidement et sans bruit la porte de la cuisine qui donnait sur l’extérieur. Il examina la pièce. Sa respiration était rapide. Son cœur tapait dans sa poitrine. La cuisine était spacieuse avec un plan de travail central au milieu de la pièce. De nombreux ustensiles étaient suspendus à une barre retenue par deux montants au plafond. De nombreux couteaux de cuisine de différents modèles et de différentes tailles étaient également suspendus plaqués contre une barre aimantée. Un peu plus loin, un vaisselier jouxtait le réfrigérateur. Baur y avait rangé de nombreux livres de cuisines ainsi que de la vaisselle en porcelaine. De l’autre côté, un four encastrable faisait lien avec un jeu de plaques halogènes.

Thomas progressait sur la pointe des pieds, les oreilles et les yeux à l’affût.

La porte de la cuisine donnait sur le hall d’entrée. Au centre, un escalier menait à l’étage. Thomas malgré le froid régnant dans la maison sentit la sueur ruisseler le long de sa colonne vertébrale. Il frissonna tout en continuant sa progression. Il posa délicatement un pied sur la première marche de l’escalier en bois. Celui-ci, vermoulu, se mit à craquer plus ou moins bruyamment. Thomas sentit son corps tout entier se tétaniser. Son cœur fit un bond dans sa poitrine.

-« Bon sang !!...Qu’est ce que tu fous là mon pauvre Thomas ??.... », murmura t il imperceptiblement.

Il retint son souffle et entrepris de gravir la marche suivante.

C’est alors qu’il l’entendit.

Le hurlement rauque bien que distant résonna dans l’entrée.

Thomas sursauta.

Il comprit immédiatement que ni Baur, ni Nadine, en admettant qu’il l’ait véritablement enlevé, ne se trouvaient à l’étage. Le cri semblait émaner du sous sol. Il redescendit prestement les deux marches et scruta l’espace autour de lui. Il y avait forcément une porte menant au sous sol. Restait à la découvrir.

 

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                                   Yann Kérouec et Jean Louis Poulard, avaient le plan géographique du secteur entre les mains. Ils repérèrent ainsi rapidement le chemin à utiliser pour se rendre à la hauteur de la propriété dans laquelle Baur s’était réfugié. Ils bifurquèrent sur le chemin de terre qu’avaient emprunté Baur et ses poursuivants et ne virent donc pas le monospace des Bardaillan garé une centaine de mètres plus loin. Poulard pesta à l’égard des Ponts et Chaussées tandis que le break dodelinait sur les chaos et les « nids de poules ».

-« Putain Yann !!...Ces ploucs sont pas foutus d’entretenir leurs routes… Si ça continue, je vais gerber !!!... », lança t il visiblement excédé.

-« Fermes la Jean Louis ! ». Le ton était sec. Inhabituel.

Jean louis Poulard ralentit, interloqué, et tourna son visage vers Kérouec. Celui-ci lui fit signe de se taire d’un doigt sur la bouche. Il lui fit également signe d’éteindre les phares. Il désigna ensuite la bâtisse sur leur gauche dont les lumières du ré de chaussé étaient allumées.

-« Désolé de t’avoir coupé un peu sèchement mais on y est… Plus un bruit ! Passe le message aux autres… ».

Poulard transmit rapidement et à voix basse les instructions à ses collègues par le biais de la radio embarquée tandis que Kérouec vérifiait le remplissage du chargeur de son arme de service.

Ils ne virent pas Julie Bardaillan se faufiler entre deux arbres pour ne pas attirer l’attention. Celle-ci ne les quittait pas des yeux et regarda les deux voitures se garer le long du chemin légèrement en retrait. Elle vit les quatre hommes en sortir et progresser rapidement vers l’entrée de la propriété. L’averse de neige s’était arrêtée. Seuls subsistaient quelques rares flocons qui virevoltaient dans l’air glacial.

Julie comprit immédiatement en les voyants que les quatre hommes étaient de la police.

Elle les observa se positionner de chaque côtés du portail. Ils marquèrent un temps d’arrêt, passèrent autour de leur bras des brassards de couleur rouge. Il lui sembla qu’ils se concertaient sur la marche à suivre. Une chose était certaine : ils étaient armés. Trois tenaient en main un revolver, et le quatrième, un fusil à canon scié.

-«  Thomas…Barres toi…Ca devient dangereux…. », songea t elle.

Un instant plus tard, les quatre hommes investissaient la propriété après avoir forcé la serrure du portail et disparaissaient dans l’obscurité.

Si la nuit n’avait pas été aussi sombre, le visage de Julie aurait fait peur tant il était blême…

 

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                                     Baur progressa silencieusement dans les travées, nu, le bras ensanglanté et armé de la lame de chirurgien qui lui servait pour les dissections. Son apparence aurait pu faire sourire, mais il avait d’autres idées infiniment plus funestes en tête.

Nadine se pencha doucement sur le côté. Elle le vit à environ dix mètres de sa position. Elle repéra également la porte menant probablement à l’étage supérieur et avec un peu de chance, à la sortie. Il fallait réfléchir et vite… Prendre une décision. Baur progressait rapidement. L’effet de surprise était passé.

Nadine respira lentement en prenant une grande inspiration. Elle essaya de rassembler les forces qui lui restaient. Elle pouvait y arriver. Elle s’en savait capable. Son corps fut parcouru d’un frisson. Elle était quasiment nue elle aussi. L’espace d’un instant elle regarda ses épaules, ses bras, ses jambes, son ventre couverts d’ecchymoses. Elle était sale, salie… Les larmes montèrent rapidement mais elle les écarta d’un revers de main. Ce n’était plus le temps de se plaindre ou de se morfondre. Son regard se fit plus dur. Elle se détendit soudainement et s’élança vers la porte. Elle hurla en même temps, comme pour se motiver encore plus, rassembler ses forces. Elle parcouru rapidement les premiers mètres. Elle ne sentait plus la douleur. La décharge d’adrénaline et le stress l’avaient complètement anesthésiée. Elle n’eut pas un regard vers Baur. Ne pas le regarder. Conserver l’objectif.

Elle sentit son bourreau se mettre en mouvement.

Elle lança sa jambe droite pour gravir les premières marches lorsqu’un choc fulgurant la projeta contre le mur recouvert de crépis. Sa tête heurta le montant de la rampe de l’escalier, tandis que son épaule s’écrasait dans un craquement  contre le mur. Sa respiration fut coupée nette. Elle revit le matin où Baur l’avait agressé.

Celui-ci venait de la percuter à pleine vitesse. Sa grande taille et son poids avaient avec l’inertie une puissance phénoménale. Baur s’égratigna tout le flanc gauche contre le mur. Ils roulèrent tous les deux en bas de l’escalier. Baur était puissant et se redressa rapidement. Son regard avait perdu toute humanité. Sa respiration était rapide.

-« Tu pensais vraiment que tu y arriverais ma belle ? ».

Nadine était au sol, son épaule déformée. Baur la saisit par les cheveux et approcha son visage meurtri près du sien.

-« Ecoutes moi bien… Ecoutes moi attentivement », lui dit-il doucement.

-« Tu veux que l’on fasse ça ici ?…maintenant ?… Pas de soucis. Je suis prêt ».

Sur ce, il arracha le dernier rempart vestimentaire de Nadine. Celle-ci était sonnée, tétanisée. Le visage de Paul lui passa devant les yeux.

Baur la plaqua au sol sur le ventre en lui maintenant les mains et se coucha sur elle. Nadine sentit son sexe contre elle. Elle ouvrit la bouche pour hurler mais son cri s’étrangla dans sa gorge.

Soudain, Baur bascula sur le côté.

Le bruit sourd du choc la ramena à la réalité. Elle se recroquevilla rapidement ramenant ses genoux contre sa poitrine et vit Philippe Baur, la bouche et le nez saignant abondamment étendu un peu plus loin. Celui-ci tentait de se relever tout en crachant de longs filets de salive et de sang.

Devant elle, debout, se tenait Thomas Bardaillan.

La surprise pouvait se lire dans leurs yeux. Nadine avait le regard complètement hagard, stupéfaite par la présence de son formateur. Thomas, lui était ébranlé. Il dut détourner ses yeux du corps de Nadine. Il se retourna vers Baur et lui décocha un violent coup de pied dans le thorax déclenchant un grognement de douleur chez celui-ci. Baur retomba au sol.

Thomas se tourna à nouveau vers Nadine et se mit à genoux près d’elle.

-« Nadine !... Nadine !...Vous m’entendez ?...Levez vous !...Vite !... Foutons le camp d’ici !!... ».

-« Oui….Oh oui !!.........Je vous en prie ». lui dit-elle en prenant appui sur son bras. L’instant d’après elle s’effondrait en sanglots dans ses bras…le corps parcouru de spasmes incontrôlables.

-« dépêchons nous !... ».

Ils parcoururent rapidement les quelques mètres les séparant de l’escalier et gravirent aussi rapidement possible les marches usées par le temps, qui menaient à l’étage. Thomas et Nadine arrivèrent en haut des marches. Thomas poussait la porte de communication avec l’épaule quand il sentit une main le saisir par l’épaule et le tirer violemment en arrière.

Baur était sur lui. Celui-ci écarta Nadine d’un coup de coude, l’envoyant au bas des escaliers, inconsciente. Thomas vacilla en arrière, se retint à Baur et ils basculèrent tous les deux à la suite de Nadine.

Baur se redressa le premier. Il lança un bref regard sur sa proie étendue juste à côté.

Il se tourna ensuite vers Thomas. Celui-ci avait atterri lourdement sur les marches. La douleur dans sa poitrine avait été fulgurante. Le craquement clairement perceptible.

Thomas tenta de se redresser doucement tout en gémissant. Sa main droite tenait son côté gauche. Il respirait difficilement.

Baur s’approcha de lui en brandissant la lame acérée.

-« Tu n’aurais pas du venir chez moi sale petit fouineur… je vais te vider…Tu pourras te regarder crever ensuite…… ».

Le fracas d’une porte que l’on enfonce à l’étage attira soudainement l’attention de Philippe Baur.

Les cris lui parvinrent, légèrement atténués, mais tout à fait audibles.

 

-« Police ! ».

-« Police !!!... Monsieur Baur !!!!....Philippe Baur !!!!....Nous entrons chez vous….Montrez vous….Maintenant !!!! ».

Yann Kérouec avait le bras, tenant son automatique, tendu. L’autre, en appui juste dessous. Il progressait rapidement et méthodiquement couvert par ses deux collègues. Les règles de l’exploration en milieu confiné ressortaient…Instinctivement…

 

                                        Baur se retourna vers Nadine. Celle-ci était toujours allongée au sol, il se tourna ensuite vers Thomas Bardaillan qui se redressait tant bien que mal. Il s’élança vers lui la lame en avant.

Thomas perçu l’attaque et ne pu que tenter de l’éviter en donnant un coup de reins sur le côté. La lame que Baur avait placée à hauteur de son thorax, n’atteint pas la cible voulue et manqua le cœur. Thomas ne réussit cependant pas à parer complètement l’attaque. La lame que tenait son assaillant lacéra son épaule et le choc le renversa en arrière.

Baur se redressa rapidement et se mit à courir vers l’arrière de la salle. Il savait qu’une petite porte, discrète, permettant le transit des fûts vers l’extérieur, se trouvait à l’opposé de l’escalier.

La porte, à double battant de bois, était sertie de ferrures. Baur ouvrit rapidement les deux panneaux et s’élança dans l’escalier de pierre. Le conduit, était sombre, mais Baur le connaissait par cœur. Il gravit rapidement les quelques mètres le séparant d’une deuxième double porte menant sur l’extérieur. Il se propulsa contre les battants les ouvrants à la volée.

La nuit était noire. Le froid s’engouffra dans le conduit. Quelques amas neigeux s’écrasèrent sur ses épaules et sur le sol. Philippe Baur ne sentit rien, malgré sa nudité. Ni la neige, ni le froid.

Face à lui, à environ cinq mètres, une silhouette fit volte face, surprise par l’apparence quasi tribale de la créature qui lui faisait face.

Jean Louis Poulard avait pris la décision de monter la garde à l’arrière de la maison, mais il n’avait pas vu dans l’obscurité, et en raison des ramifications du lierre qui la recouvrait, l’ouverture donnant accès à la cave.

Poulard croisa le regard de Baur. Instinctivement son bras se redressa pour le mettre dans la ligne de mire de son « spécial police ». Le coup de feu parti déchirant d’un éclair l’obscurité. Le bruit fut assourdissant. Baur s’était jeté sur lui et lui avait décoché un coup d’épaule malgré la blessure infligée par Nadine. Sa vitesse et l’effet de surprise lui permirent de dévier le bras de Poulard.

Sous le choc, celui-ci lâcha son arme. Baur reprit ses appuis. La lame encore couverte du sang de Thomas Bardaillan siffla dans l’air et entailla profondément la base du cou de Poulard, évitant ainsi la protection du gilet pare balles que celui-ci avait revêtu.

Poulard recula immédiatement en portant la main à son cou tandis que Baur ramenait à nouveau son bras. La deuxième attaque fut tout aussi rapide, la lame, cette fois, vint se planter à l’oblique dans la cage thoracique du policier, juste au niveau de l’aisselle droite. Celui-ci expira bruyamment tout en s’affaissant. Poulard tenta de se retenir sur le sol, mais il ne put qu’entre apercevoir la silhouette de Baur qui s’enfuyait en direction de la lisière des bois… Celle-ci dansait devant ses yeux tandis que l’officier perdait son sang en de longs filets formant rapidement une tache sombre sur le sol…

 

Publié dans Roman

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